Charte des informaticien·nes public·ques

La charte est le fruit du travail des informaticiens et informaticiennes public·ques ainsi que des partenaires suivants : ARC, Atelier du Web, Comité de Vigilance en Travail Social, Fédération des Services Sociaux, Fobagra, Lire et Ecrire Bruxelles, Services Sociaux des Quartiers.

Elle est signée par les opérateurs et hébergeurs de permanences d’IP ainsi que par les structures soutenant le projet. [voir les signatures]
Vous pouvez aussi proposer la signature de votre organisation.


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Charte des informaticien·nes public·ques

 

Préambule

Du fait de la place croissante occupée par les dispositifs numériques[1] dans la société, la relation entre les citoyens-usagers et les services quotidiens essentiels, qu’ils soient privés ou publics, s’est transformée. Ainsi les démarches liées à l’accès aux droits, à l’emploi, à la mobilité, à la santé, au logement, à la consommation, au lien social ou à l’éducation se sont en grande partie déshumanisées.

Cette dématérialisation des rapports avec les institutions permet d’une part une simplification et une automatisation de nombreuses démarches (ainsi que de présumées économies pour ses commanditaires) mais implique d’autre part des risques d’aggravation des inégalités pour les personnes n’ayant pas accès à l’ensemble des outils et compétences nécessaires.

Un phénomène d’urgence se dresse ainsi pour les presque 40% de la population belge en situation de vulnérabilité numérique[2] qui se voient potentiellement exclus par la généralisation de ces pratiques en ce qu’elles s’accompagnent trop rarement du maintien des canaux de contact humain.

Les acteurs de l’accompagnement numérique ont décidé de se mobiliser et de se coordonner pour soutenir les personnes rencontrant des difficultés face à une dématérialisation imposée et excluante.

La charte constitue le cadre commun et la définition des engagements liés à cet accompagnement assuré par la fonction d’Informaticien·ne Public·que. 

1. Objectifs

Cette charte des Informaticien·nes Public·ques (IP) a pour objectifs de : 

  • Délimiter le champ d’intervention des IP : service de première ligne destiné à accompagner les personnes en difficulté pour réaliser leurs démarches à l’aide des technologies numériques.
  • Baliser la démarche d’accompagnement.
  • Fournir aux IP un cadre éthique et déontologique pour accompagner les personnes en difficulté numérique et garantir à celles-ci un service qui répond à leurs besoins.
  • Fédérer ces IP dans un réseau facilement accessible et réplicable. Ce réseau devra permettre d’évaluer, de quantifier et de partager les expériences et ressources générées par les accompagnements.
  • Défendre les revendications et les recommandations des IP.

2. La fonction d’Informaticien Public

L’Informaticien·ne Public·que assure un service de première ligne destiné à accompagner gratuitement les citoyens et citoyennes les plus éloigné.e.s du numérique.

L’IP a des compétences humaines, analytiques, techniques ainsi qu’une connaissance des différentes démarches en ligne de base. Il accueille, accompagne et aide les personnes en identifiant leurs situations et leurs besoins.

La fonction d’IP peut être endossée par différents profils d’acteurs[3], il peut s’agir de travailleurs sociaux, d’animateurs multimédia, socio-culturels … Qui interviennent en assurant des permanences au sein de structures accessibles à tout citoyen, sans distinction de culture ou de genre. Ces structures sont des lieux identifiés comme des relais tant de lien social que d’accompagnement numérique (liste non exhaustive).

Il aide à effectuer des démarches en ligne, utilisant les plateformes des services publics et des services privés essentiels. Il peut aussi fournir une petite assistance technique. Généraliste, travaillant en synergie avec des partenaires aux champs de compétences complémentaires (services sociaux, missions locales, repaircafés, EPN et autres lieux de formation), il peut réorienter l’usager vers le service le plus approprié lorsque la demande le nécessite.

3. La démarche d’accompagnement

L’Informaticien·ne Public que offre un accompagnement généraliste et de première ligne : il accueille toutes les demandes individuelles et, selon le cadre délimité par l’organisation qui l’emploie, celui déterminé par sa fonction et enfin celui circonscrit par ses propres compétences, les prend en charge. Ainsi, l’IP :

3.0. Accueille

Il accueille l’usager et instaure une relation de confiance pour lui permettre d’exprimer sa demande.

3.1. Identifie

Il situe la demande, la décortique et la reformule afin de préciser les besoins avec l’usager. La demande initiale pouvant souvent être fractionnée, cette première phase détermine les actions qui seront posées durant la prise en charge.

3.2. Fait avec

Il implique l’usager dans la résolution de la situation bloquante induite par les technologies numériques. Il aide ainsi à accéder aux services publics ou privés en ligne, à rechercher de l’information, à utiliser les outils de communication, aide à la compréhension ou à la rédaction d’un texte, facilite la prise en main du matériel…

3.3. Conseille

Il élargit la demande en vue d’une éventuelle autonomisation de l’usager face à un problème spécifique. Il fait bénéficier l’usager de son expérience, répond à ses questions et l’informe sur les enjeux liés aux démarches réalisées.

3.4. Réoriente

Il réoriente l’usager vers une autre personne ou service plus approprié aux besoins si la demande n’est pas de son ressort ou s’il n’a pas les moyens de la réaliser (compétences, temps …). L’action de l’IP s’inscrit dans un territoire et ainsi dans un maillage administratif, social, associatif et de services, il redirige, le cas échéant, les demandes vers les acteurs et institutions compétentes, par exemple vers les Espaces Publics Numériques ou une permanence sociale.

Il ne laisse pas la demande sans réponse ou piste de résolution.

4. Cadre de l’intervention et pratiques déontologiques

Durant la prise en charge des personnes, l’Informaticien·ne Public·que s’engage :

  • Posture
    • adopte une attitude bienveillante, impartiale et non-jugeante vis-à-vis de l’usager et le laisse exprimer sa demande et expliquer sa situation,
    •  « fait avec » et pas « à la place de », c’est-à-dire implique la personne accompagnée dans les démarches effectuées,
    • s’assure de la bonne compréhension des actes qu’il aide à poser ainsi que du consentement éclairé de la personne accompagnée,
    • s’assure de la bonne compréhension des enjeux liés à la confidentialité et à la sécurité ainsi que des moyens de récupération des identifiants et accès générés durant l’accompagnement.
  • Confidentialité
    • veille à la déconnexion de chacun des services sollicités par la démarche d’accompagnement,
    • veille à employer des outils et un environnement de travail informatique qui permettent de garantir le respect de la vie privée,
    • ne conserve aucune copie, papier ou numérique, des documents qui lui ont été transmis,
    • ne tient pas de dossier sur les personnes ou les situations,
    • ne transmet aucune information ou document à un tiers sans l’accord explicite de la personne accompagnée et ce dans le cadre strict du traitement de sa demande,
    • ne conserve aucun identifiant ou mot de passe personnel,
    • se conforme aux règles de la structure qui l’accueille : s’il travaille au sein d’un service qui emploie des professionnels soumis au secret professionnel et a par ce fait accès à des données confidentielles, l’informaticien public est par extension soumis lui aussi au secret professionnel.
  • Cadre d’intervention
    • veille dans les contacts avec les administrations ou avec d’autres services à ne pas substituer ses informations de contact à celles de la personne accompagnée ou de ses accompagnants de référence,
    • veille à ce que la personne accompagnée puisse disposer d’une trace (papier ou numérique) des démarches effectuées durant la prise en charge,
    • veille à informer des implications de la souscription aux différents services et proposera, le cas échéant des alternatives aux services par défaut.
    • n’exploite en aucun cas les accès ou permissions (services publics, banque …) qui lui auront été conférés à d’autres fins que de répondre à la demande explicite de l’usager,
    • n’intervient pas en dehors des lieux prévus à cet effet,
    • ne prend pas l’initiative de plaintes ou recours sans demande explicite de la personne accompagnée,
    • n’a pas l’obligation de réaliser la démarche et se réserve le droit de l’interrompre dans l’intérêt de l’usager.

L’IP ne pourra pas être tenu responsable en cas de dysfonctionnements des services sollicités, qu’ils soient techniques ou opérationnels.

5. Travail en réseaux

Les Informaticien·nes Public·ques travaillent au sein de deux types de réseau :

5.1 Le réseau centré sur la permanence

Celui d’ancrage local dans lequel s’insèrent les permanences. L’accompagnement proposé par l’IP s’intègre dans les activités du lieu, et plus largement du territoire qui l’accueille.

Les IP dressent pour chaque permanence, avec les partenaires locaux, une cartographie des ressources vers lesquelles adresser les demandes réorientées. L’orientation se fait ainsi vers et depuis l’IP, renforçant ainsi le maillage et la complémentarité des acteurs. 

5.2 Le réseau des IP :

Les IP se structurent en collectif au sein duquel :

  • Les partenaires signent la charte, s’engagent à la faire respecter et à la faire évoluer.
  • Les partenaires s’engagent à garantir les moyens nécessaires au respect du cadre d’intervention de l’IP.
  • Les partenaires mutualisent leurs savoir-faire et ressources en vue de promouvoir l’action et les revendications du réseau.
  • Les IP partagent leurs expériences et questionnements, se forment et reçoivent du soutien.
  • Les IP restent vigilants et rapportent les dysfonctionnements des services numérisés afin d’alimenter la base de connaissances et les revendications.
  • La plateforme en ligne informaticienpublic.be centralise l’information et les outils.
  • Les partenaires bénéficient d’un outil pour évaluer les types et volumes de demandes.

Ce réseau est animé par Action et Recherche Culturelles asbl (ARC) qui assure :

  • L’organisation et l’animation des intervisions,
  • L’organisation, la conception et l’animation des formations,
  • La conception et la maintenance de la plateforme informaticienpublic.be.

6. Recommandations

On n’accompagne pas la numérisation, on y fait face !

La dématérialisation des services essentiels, privés comme publics renforce les inégalités sociales numériques et met ainsi en péril l’accès au droit, l’exercice complet et éclairé de la citoyenneté. L’initiative des Informaticien·nes Public·ques replace l’humain dans la relation, aussi :

  • La numérisation des services publics et collectifs ne doit pas échapper au processus démocratique pour penser un numérique qui soit non-excluant.
  • L’ensemble des services publics et d’intérêt général doivent rester accessibles sans obligation d’avoir recours aux outils numériques sans surcoût ou diminution de qualité.
  • La numérisation des services publics et d’intérêt général ne doit pas contraindre les usagers à souscrire à des services privés ou à recourir à des solutions logicielles propriétaires.
  • Une alternative humaine avec un accès physique effectif et gratuit doit être développée sinon maintenue pour les contacts avec les services essentiels.
  • Le cas échéant, la fonction des IP et des autres travailleurs de la première ligne sociale doit être valorisée et financée tant par les pouvoirs publics que par les acteurs privés qui promeuvent la dématérialisation. Ce coût ne doit pas être supporté par les seuls acteurs de terrain.

[1] Baromètre de l’inclusion numérique 2020 : « Les technologies numériques renvoient à la fois à des supports (l’ordinateur, le smartphone, la tablette et les autres objets connectés), à des outils (un logiciel bureautique, comme Word, ou un logiciel de communication, comme celui d’envoi d’e-mail) et à des applications (comme celles de GPS ou de banques en ligne, par exemple) ainsi qu’aux pratiques associées. » (https://www.kbs-frb.be/fr/barometre-inclusion-numerique) 

[2] Baromètre de l’inclusion numérique 2020, op cit.

[3] Trois situations pour l’IP qui intervient dans un EPN, est détaché par un EPN ou est mandaté par une autre structure.

Signataires

Structures opératrices de permanences

Nom
Secteur d’Activité
ARC – Action et Recherche Culturelles asbl
Éducation Permanente, Inclusion Numérique
Atelier du Web – EPN communal de Saint-Gilles
Inclusion Numérique
Bibliothèque de Berchem Sainte-Agathe
Lecture Publique
Lire et Écrire Bruxelles
Alphabétisation
Projet EoLien
Service de Santé Mentale
Services Sociaux des Quartiers – EPN Brabant
Centre d’aide aux personnes
ULAC – Union des Locataires Anderlecht Cureghem
Travail social, logement, accompagnement numérique

Structures hébergeuses de permanences

Nom
Secteur d’Activité
Bib Josse – Bibliothèque communale de Saint-Josse-ten-Noode
Lecture publique, Education permanente, Alphabétisation
Habitat et Rénovation
Cohésion Sociale
SAAMO Brussel/Bruxelles vzw
maatschappelijk opbouwwerk/travail communautaire

Soutiens du projet

Organisations qui reconnaissent la fonction des Informaticien·nes Public·ques, soutiennent leurs revendications et diffusent la charte et favorisent les collaborations entre leurs services et les IP.

Nom
Secteur d’Activité
Banlieues asbl
Maintenance informatique et développement web dans le secteur de l’économie sociale d’insertion
CABAN-DIBAC asbl
Inclusion Numérique
CVTS – Comité de Vigilance en Travail Social
Travail Social
FdSS – Fédération des Services Sociaux
Travail Social